Expéditions > Le Sahara à VTT

 de Marrakech à Tombouctou en VTT ? il suffit de pédaler et de ...pousser ! 

Rallier Marrakech à Tombouctou, 3500 kms de sable, de vents et de chaleur, tel est leur pari…et pari pas tenu, mais qu’à cela ne tienne !
Impossible de partir de Marrakech et ils n'atteindrons jamais Tombouctou. La menace Touareg, la piste trop sableuse, les amibes qui les clouent, tout cela les firent bifurquer sur Bamako, la capitale malienne.

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Nous ne connaissons rien à l'Afrique, nous avons obtenu une bourse Expé-Alpirando, nous avons enchainé des baby sitting, des boulots tous l'été et nous partons pour Marrakech avec 3000 francs, des sandales et deux vélos...Objectifs : rejoindre la Mauritanie puis pédaler sur la Transmauritanienne, cette route qui désenclave une partie du Grand Sahara et rejoindre la mythique Tombouctou au Mali.

TEXTE SUR BOURSE EXPE :

http://www.bourses-expe.com/bourses1995/1995_le_sahara_en_VTT.html

Au début, c’était comme un défi : le Sahara, rêve de tous les apprentis aventuriers. Notre trajet était fixé, ce serait “Marrakech-Tombouctou”. Nous n’étions jamais allés en Afrique. Nous imaginions seulement toutes les difficultés que nous pourrions y rencontrer : vent, chaleur, sable, fron­tières secouées par les insurrections tantôt du Polisario, tantôt des Touaregs...

Notre imagination n’avait pas exagéré : le vent a balayé notre visage pendant toute la traversée de la Mauritanie, la chaleur a cul­miné à 55 °C, tandis que le sable un peu trop mou et la politique un peu trop dure nous ont empêchés de parvenir à Tombouctou.. Pour tout vous avouer, notre "Marrakech-Tombouctou” s’est transformé en El Aiun - Bamako, ce qui fait nettement moins explorateur...
Le Sud-Maroc nous acclimate à l’Afrique avec ses cinq cents kilomètres de pay­sages sublimes jusqu’à la frontière maurita­nienne, sur une piste défoncée et sous un soleil qui ne tape jamais à plus de 42°C. Les vraies difficultés s’annonceront plus tard...

La frontière mauritanienne. Nous sommes coincés par les militaires qui nous interdisent de péda­ler jusqu’à Nouadhibou. Le seul moyen pour poursuivre notre rêve reste d'emprunter un convoi militaire sous bonne escorte, accompagnés d’autres candidats au transit. La région n'est pas sûre. D'ailleurs, c'est ici que, deux mois plus tard, un camion du Paris-Dakar sautera sur les mines posées par le Polisario, qui revendique l’indépendance du Sahara Occidental.

Ce matin, le convoi s’ébranle pour la enième fois après un ixième contrôle. Voilà deux jours que nous sommes en plein désert, nos vélos accrochés sur le 4x4 de (futurs) copains français rencontrés sur place. Régulièrement, nous nous arrêtons, les militaires font leur prière, puis on repart. Il en sera ainsi jusqu’à Nouadhihou...

Comme dans les albums de Tintin

La Mauritanie est un vaste désert. Les neuf dixièmes du pays sont voués au nomadisme même si on assiste à une vague de sédentarisation, l’économie maurita­nienne repose sur l’élevage de cha­meaux, de chèvres et de gnous, la vache du désert, un peu de pêche sur la côte Atlantique et rien d’autre. Même le commerce est réduit au minimum, quant à l’industrie de minerais, elle est en déclin. Nouadhi­hou en est la capitale économique. Les quelques heures que nous y pas­sons sont consacrés à refaire un bon plein de provisions.

En effet, nous devons traverser 480 kilomètres de désert pour atteindre la capitale, Nouak­chott. Soit 300 kilomètre sur une piste mi-sableuse, mi-dure, qui peut changer, voire s’effacer au gré du vent, puis 180 kilomètres le long de l’Atlantique, sur une piste inondable par les marées...

Pas forcément facile, mais nous nous sentons au meilleur de notre forme et rien ne nous effraie, pas même la chaleur qui augmente, pouratteindre régulièrement depuis notre arrivée en Mauritanie les 45°C.

Le moment tant attendu arrive enfin. Devant les roues de nos VTT, le vrai Sahara, celui du sable à perte de vue, des dunes, des pistes effacées par le vent, des mirages comme dans Tintin.

Par contre, en raison de la chaleur intense et de la rapidité à laquelle on se déshydrate dans cette région du globe, nous réalisons qu’il faudra renoncer quelques jours à notre auto­nomie. Les 300 premiers kilomètres impliqueraient d’emmener plus de 60 litres d’eau, ce qui est impossible à porter sur nos vélos.
Sympas, nos amis français nous proposent de transpor­ter nos affaires et nos réserves d’eau, ils nous attendront tous les 50 kms. On ne plaisante pas avec le désert ! Le matin, nous partons tôt, il est souvent presque impossible de pédaler tant le sol est mou. Nous poussons, pédalons, nous enfonçons et la chaleur monte...

Le troisième jour, nous manquons nous perdre quatre fois d'affilée. Le vent de sable s’est levé à midi, effaçant la piste. Nous nous guidons à la boussole. Vers 16 heures, éreintés, nous retrouvons enfin nos amis. Nous n'avons pédalé que 47 km... sans bagages ! Le thermomètre de la voi­ture indique 55° C. Nous compre­nons que continuer ainsi serait pure folie - en tout cas au-dessus de nos forces. Nos vélos sont embarqués sur le 4 x 4. La galère change de camp : nous avalons les kilomètres avec du sable : poussage, désensablement... jusqu’à la nuit. Nous continuons avec eux jusqu’à l’Atlantique, où nous attendent les l80 kilomètres de piste-plage. Là au moins nous ne devrions pas nous égarer !

Dauphins rabatteurs…

Ce matin, nous quittons nos anges gardiens, tristes et un brin angois­sés. Notre piste littorale se trouve dans le parc national du Banc d’Ar­guin, célèbre pour ses pêcheurs Imragen qui bénéficient périodique­ment de l’aide des dauphins de la baie. Il s’y trouve aussi des espèces très rares d’oiseaux et de phoques. Les dunes vierges se jettent dans l’océan. Ici il n’y a plus que la mer, le vent et le sable.

La plage est “roulable”, mais le vent contraire et la piste mouillée nécessitent un effort soutenu. Rassu­rés par la présence fraîche de la mer, nous commençons à accélérer le rythme. Tout semble mer­veilleux. À 2 heures de l’après midi, l'impression bascule. Avec 50 °C, sans une goutte d’ombre où s’abriter, et le sel qui nous brûle la peau, la place devient un four implacable.

Puis la marée monte, nous forçant à nous réfugier dans les dunes. Alors qu’un commando de gros crabes vient finir notre potage aux huit légumes, il nous faut attendre la nuit pour pédaler à marée basse et à la fraîche.

Le lendemain matin, nous ressem­blons à des zombies et nous n'avons avalé que 50 kilomètres en une journée et une nuit. Une bonne nouvelle n’arrive jamais seule : le vent se lève et nous n’y voyons plus à 15 mètres. Difficile d’avancer tant le souffle est puissant... et nulle part où s’abriter de ce sable qui vous cingle l’épiderme. Quand nous tra­versons les villages de pêcheurs, tout le monde accourt. On nous donne de l’eau fraîche, on nous abrite du vent pour un court répit, puis nous repartons. Il en sera ainsi jusqu’à Nouakchott.

Enfin presque, puisqu'à quelques kilomètres de la ville, exté­nués, nous craquons pour un camion ! Nous ne sommes pas seus dans la benne ! Quinze passagers, mais aussi une voiture, des poissons et des barres de fer. Le sable vole, quelques-uns tentent de se réfugier dans l’auto, mais les secousses sont si fortes qu’ils sont obligés d'en ressortir et affronter la tempête. Un enfant se protège du vent avec la jupe de sa petite sœur, un autre s’accroche sur les montants en rigolant... C’est ainsi que nous arrivons à Nouakchott, la capitale. Tout le monde descend du camion avec de véritables croûtes de sable dans les yeux.

Presque mille kilomètres parcourus, il nous en reste deux mille. Nous reparlerons après une bonne douche et la recherche de provi­sions. Je dis “recherche” car on ne peut trouver grande chose, soit des produits français hors de prix, soit des aliments locaux très peu variés. Une journée de repos au bord de l’océan, et nous voici d’attaque pour la suite des réjouissances.

Depuis Nouakchott, une route plonge dans le ventre chaud du désert. Construite il y a trois ans par les Français, elle s’engouffre plein est pour désenclaver ce pays dont le sable recouvre 90 % de la superficie. C'est la seule voie de communication à tra­vers toute la Mauritanie et nous la surnommions le « fil du télé­phone arabe », parce que, de temps en temps, des villageois nous disaient : « Mon frère vous a vu lundi dernier, vous étiez à Ouad Naga. » Parfois c’étaient des camions taxis-brousse qui avaient entendu parler de nous ou nous avaient déjà vus, d’autres fois, des chefs de village, des commerçants...

Dire que les Mauritaniens soient accueillants serait un pléonasme. D’abord parce que l'accueil de l'étranger est un précepte écrit dans le Coran, ensuite parce que les distractions sont rares dans ces contrées. Nous étions une source inépuisable de curiosité et d’amusement. Les femmes couraient derrière nous sur la route avec de grands cris pour nous faire rester dans leurs campements, les enfants nous suivaient parfois sur 10 kilomètres en courant pieds nus à la même vitesse que nous.

Lorsque nous restions, tous s’asseyaient autour de nous, nous regardaient en riant, en commentant ; chacun de nos gestes était épié. Nous étions à leur disposition pour tenter d'assoiffer leur curiosité, ils nous posaient cent mille questions, les uns après les autres, questions qui étaient toujours centrées sur la famille : avions-nous des enfants, depuis combien de temps étions-nous étions mariés ? Ensuite c'était notre tour de poser les questions. Ces palabres duraient des heures, arrosées des trois thés bienfaiteurs qui nous ressourçaient. Le premier sucré comme l'amour, le second doux comme la vie et le dernier amer comme la mort. Nous avons parfois dû fuir cet accueil, car nous ne pouvions pas nous reposer et nous tombions systématiquement malades lorsque nous partagions leur repas : riz à la graisse de chèvre, lait de chamelle, tête de chèvre. Il nous est arrivé de pédaler deux fois plus vite lorsque les femmes des campements nous appelaient en courant. Nous en avions honte, mais si nous nous arrêtions à chaque fois, nous ne pouvions plus avancer. Alors nous faisions des grands coucous et disparaissions derrière une dune…
ourrés de vitamines, le moral au beau fixe et le vent dans le dos, nous traçons tête baissée direction Tom­bouctou, via un désert de dunes. Gaillardement, nous parcourons les premiers temps en moyenne 80 kilo­mètres par jour. Progressivement la piste devient très mauvaise, nos rayons cassent. Responsable, le poids de l’eau que nous emmenons chaque jour (15 litres chacun et parfois plus sur le vélo d’Eric). Les porte-bagages commencent à fatiguer. Principal souci, nous quittons les dunes pour aborder un désert d’épineux dont Eric se souviendra longtemps. 43 crevaisons pour son seul vélo… Sur mon vélo, j’avais en effet choisi de remonter mes vieux pneus à renfort kevlar pour ce raid africain. Ils n’ont pas laissé pénétrer une seule épine ! Prévoyante, la fille !

Nos journées sont donc rythmées par les pauses crevaison d’Eric, souvent en plein soleil, parfois dans des villages dont tous les habi­tants viennent nous observer en riant : "Ah mais ! Ils sont fous ces blancs ! Non mais vous n'êtes pas bien dans votre tête, là… Jamais, un Mauritanien ne ferait 10 kilomètres avec cette machine”.

Pendant ce temps, le vent redouble d’intensité. Parfois, il rend fou, d’autres fois on s’en accommode, mais le soir il nous faut manger du riz au sable, et ça, c’est le plus dur. Lorsque la nuit est vraiment trop noire pour continuer jusqu’à un vil­lage ou un campement de nomades, nous plantons la tente en plein désert. Jusqu'à minuit, il fait 30°C, nous sommes trempés comme des serpillières sous cette tente mal ventilée. Difficile dans ces conditions de trouver le sommeil avant une ou deux heures du matin.

Nous arrivons enfin à Kiffa, un gros village où nous pensons pouvoir trou­ver une douche, un hôtel et des réserves. Voilà 10 jours que nous ne nous sommes pas lavés. Nous dénichons l’unique hôtel avec électri­cité et eau courante... Vite, sous la douche... Pas d’eau !! « Il faut attendre » nous répond le patron. Au bout d’une demi-heure, un grand costaud arrive en courant, un baquet rempli d’eau sur la tête... C’était lui, l’eau courante!

Au cours des 500 kilomètres qui nous séparent de Néma, la dernière ville Mauritanienne, la piste devient de plus en plus impraticable : sablon­neuse… et militarisée. Nous com­mençons à douter sérieusement de jamais atteindre Tombouctou... Quelques jours plus tard, nous atteignons la frontière malienne. Cap au sud pour rejoindre Bamako, la capitale.

Béni soit qui Mali pense

La piste en latérite est d’un rouge sublime. Nous roulons sur de la tôle ondulée, des mini-montagnes russes qui vous secouent dans tous les sens. Aucun assemblage écrou-boulon ne résiste bien longtemps à ce traite­ment, les porte-bagages en particu­lier. Pour limiter les dégâts, mieux vaut essayer de rouler à fond la caisse.., et le soir venu, resserrer tout ce qui passe à portée de clés.

Ici au Mali, trouver à manger ne pose pas de problème. Les gens sont plus gais, plus accueillants encore qu’en Mauritanie. Ils dansent et chantent au milieu des villages. Pour nous c’est la fête.

Un soir, je me sens un peu "patraque”, la fièvre monte jusqu’à 40°C. Malade en pleine brousse... Toute la journée du lendemain, nous continuons à péda­ler. J’ai vraiment les jambes en coton, mais par miracle elles pédalent toutes seules ! En soirée, nous rejoignons un petit village et là je m’effondre, terras­sée par la fièvre, avec un mal au ventre qui me plie en deux, dont sont responsables l’eau des puits et la nourriture. Évidemment, nous traitions l’eau avec des Micropurs, cachets qui purifient l’eau en une heure, ou avec notre filtre mécanique. Mais lorsque les températures ont commencé à grimper jusqu’à 56° C, nous ne pouvions plus traiter toute l’eau que nous buvions. Tous les gens du village, adorables, viennent nous voir et me soignent au moyen de remèdes locaux. Tous nous déconseillent vive­ment de tenter d’atteindre Tom­bouctou : toute cette zone est sous surveillance et bien que la ville soit calme, ce sont les pistes d’accès qui sont aléatoires, voire dangereuses.

Quatre jours pour me remettre sur pieds, je connais par cœur le moindre centimètre carré des toilettes et tous ses habitants réguliers, de jolis cafards qui servent à faire des courses endiablées par tous les enfants du village. Nous écoutons le chef du village, et décidons de laisser Tombouctou pour une autre fois, nous repartons, comme neufs, direction Bamako. Nous mon­tons une dernière colline et soudain toute la vallée apparaît avec en son centre le fleuve Niger qui ondule comme un gros serpent.

Bamako marque la fin de ce raid. Même si nous n’avons pas atteint notre objectif, nous sommes fiers comme deux bars-tabacs d’avoir vaincu un petit bout de Sahara. Main­tenant, il nous reste à rejoindre Dakar, par le train “Bamako-Dakar”... Quant à Tombouctou, rassurez-vous ce n’est que partie remise !

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